Avoir vingt ans

Prisca Moïse, Imen Boseali, Kathleen Bogangabe, Rim Abdalla, et Antonio Vicente (élèves de sixième du collège César Franck) ont mitonné rêves et espoirs, avec les souvenirs des résidents de la maison de retraite des Quatre Chênes avec Thérèse Taty, Patience Fayulu et Annie Krim.

Vingt ans ! On dit que c’est le bel âge, l’âge de tous les possibles,

Quand on a vingt ans, on est immortel, on est flamboyant.

Pour vous grands-pères, grands-mères, c’était comment vos vingt ans ?
Différent mes enfants, différent, mieux que maintenant c’est sûr.
On était plus heureux, on n’avait rien, c’était assez, on travaillait !
Pas de chômage, pour un centime en moins on changeait de patron !
On avait la tête pleine d’utopies, de vie fantastique que rien n’arrêterait !

On vivait bien, les autres étaient des nôtres, on partageait, on rigolait.
Et la guerre ? La guerre, fallait la faire mes enfants, j’en ai vu deux !
Moi, mon père a été tué en quinze, ma mère avait vingt ans et son chagrin,
Moi, j’étais prisonnier cinq ans, moi, j’ai réussi à filer jusqu’aux Pyrénées !
Moi, je suis parti en Indochine, je sais encore compter en Vietnamien !

Et pour vous grands-mères, quels souvenirs de la guerre ?
Moi j’ai été évacuée en train pour le Rouergue, six mois de vacances
Au pays des girolles. J’avais votre âge, la guerre s’était effacée…
Pour moi, Amiens était en ruine, il fallait tout reconstruire.

Et les rêves de vos vingt ans que sont-ils devenus ?
Nos rêves sont restés des rêves, on les a gardés pour nos enfants.
Moi, mon père meurt, la misère s’installe, pas de protection sociale.
L’inscription au lycée se transforme en esclavage dans une ferme.
Moi, ma mère n’a vu la mer qu’à quarante-deux ans mais jamais Paris !

Moi, je n’ai appris le français qu’à huit ans, avant c’était le patois.
Dans la rue, je parlais l’argot et à votre âge, j’étais déjà apprenti menuisier.
Et puis je me suis mis à lire, je voulais m’ouvrir l’esprit,
J’ai d’abord lu Hector Malot, ce qui m’a permis d’attaquer Jules Verne,
Tout Jules Verne ! Puis j’ai aimé, vraiment aimé, George Sand,
Je me suis transformé petit à petit, tout seul, avec mes écrivains.

Vingt ans ! On dit que c’est le bel âge, l’âge de tous les possibles,
Quand t’as vingt ans, t’es immortel, t’es flamboyant

Mais vingt ans c’est chaud, faut quitter les parents, c’est inquiétant.
Ma mère va pas m’lâcher comme ça, elle va se scotcher chez moi
Pourquoi le chômage ? Comment rêver ? J’veux m’évader.

Moi je voulais être footballeur, un pro, un vrai qui gagne bien,
Mais t’as vu Zidane ? C’est pas à vie son boulot !
Moi je veux être pédiatre et moi médecin,
Moi mes parents ont choisi avocate, mais je préfère jardinière,
Moi je sais pas, je sais pas, j’ai douze ans, laissez-moi rêver.

Congo, Guadeloupe, Niger, Maroc, Syrie, nos parents sont venus de loin.
On a plein de langues ! Plus l’anglais et l’allemand à l’école.
Shreik en lingala, c’est géant, la cassette tu la trouves à Château Rouge,
Moi, au collège je traduis le cours en Syrien au nouveau de la classe,
Moi c’est le Créole, moi, c’est l’Amazigh, le Berbère de ma grand-mère,
Moi, y a plusieurs langues à la maison. Je comprends mais pas tout.

Y a trop de racisme, y a trop d’esclaves, de différences
Pour nos vingt ans, faudra que ça change, faudra s’aider,
Se respecter, se mélanger, on veut la paix, fini la guerre,
On va aimer, on va s’aimer.

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